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Syrie : “Je pensais que le pire dans la vie était la guerre, mais le pire était encore à venir”

Des rapatriés syriens incapables de reconstruire leur vie dans un climat de hausse spectaculaire des prix, y compris ceux de la nourriture. Le Programme alimentaire mondial (PAM) des Nations unies continue de fournir une aide alimentaire aux familles déplacées et aux rapatriés, totalisant 4,6 millions de personnes chaque mois.
, WFP (PAM)

Abu Tarek se souvient très bien de l'époque où sa vie était pleine de joie, où il recevait souvent sa famille chez lui et où sa table débordait de nourriture qu'il partageait avec les moins fortunés.

Alors qu'il fait la queue à une distribution de nourriture du PAM à Mleha, dans l'est de la Ghouta, il dit que son esprit est ailleurs, loin des rues et des bâtiments vides qui ont été abandonnés après des années de conflit. Il se remémore les temps révolus où il travaillait dans son entreprise de soudure où il aidait les clients, s'occupait de sa ferme et gagnait de l'argent pour subvenir aux besoins de sa famille.

"Je ne me serais jamais imaginé assis comme je le fais maintenant en attendant de recevoir de l'aide", dit-il en attendant de recevoir la nourriture dont sa famille dépend désormais chaque mois.

Abu Tarek est né dans la ville de Mleha et, comme beaucoup de Syriens, il a vu sa ville se transformer en champ de bataille et sa communauté changer à jamais au cours des années de conflit. Mleha est aujourd'hui méconnaissable et les familles se retrouvent pour partager les souvenirs de leur ancienne vie. Ils savent que se reconstruire sera extrêmement difficile.

D'une voix forte, Abu Tarek explique qu'il était autrefois l'heureux propriétaire d'un atelier de soudure qui produisait de nombreuses fenêtres et portes de la ville. Il possédait également des grues, du bétail et une entreprise laitière. "Mes revenus étaient très élevés, j'avais une grande maison, beaucoup de gens travaillaient pour moi et, chaque vendredi, je distribuais de la nourriture aux pauvres de la ville pour remercier Dieu de sa grâce et de sa générosité", dit-il.

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Abu Tarek rentre chez lui avec de la nourriture pour sa famille. Photo : PAM/Hussam Al Saleh

Pas de retour en arrière

Lorsque la guerre est arrivée à Mleha, toute la communauté a été affectée. La construction a cessé et Abu Tarek ne pouvait plus acheter le fer dont il avait besoin pour faire tourner son entreprise. Il a fermé et sa famille de sept personnes a subsisté grâce aux revenus de son entreprise laitière. Mais avec la diminution des revenus et des économies, les gens ont fait face à une pression qu'ils n'avaient jamais connue auparavant. "Cela m'a brisé le cœur de voir des gens, y compris ma propre famille, souffrir de ne pas pouvoir acheter les produits de base. Nous étions tous incapables de nous aider et de nous soutenir les uns les autres, c'était une course pour la survie", dit-il.

Sans électricité, sans eau potable et face à la violence, il était clair que sa famille devait partir. Ils ont fui par un passage sûr, ont tout laissé derrière eux espérant trouver un avenir meilleur.

Le choc du retour à la maison

Après presque trois mois d'exil, la famille d'Abu Tarek a pris la difficile décision de retourner chez elle, incertaine de ce qu'il resterait de leur ancienne vie. Une fois rentrés, ils ont été atterrés de la retrouver en ruines. Tout ce qu'ils avaient possédé avait disparu. Les deux magasins ont été détruits, sa maison a été sévèrement endommagée et ses vaches sont mortes. Abu Tarek le décrit comme une catastrophe.

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Abu Tarek ne peut pas réparer sa maison car cela coûterait des millions de livres syriennes alors qu'il est dans l'incapacité d'acheter de la nourriture et des médicaments pour sa famille. Tout ce qu'ils possédaient a disparu. Photo : PAM/Hussam Al Saleh

"Je dois être plus fort que cette crise et être patient, sinon je m'effondrerai et ce sera la fin."

"Ma femme n'a pas pu endurer le choc et elle a eu un caillot sanguin qui a paralysé ses jambes. La même chose est arrivée à mon fils Tarek, mais les médecins ont dit qu'il y a un espoir qu'il puisse remarcher grâce à la kinésithérapie. Ça a été mon plus grand malheur, mais je dois être plus fort que cette crise et être patient, sinon je m'effondrerai et ce sera la fin.

"Je pensais que la pire chose dans la vie était la guerre, mais le pire était encore à venir."

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Mleha après plus de neuf ans de conflit. Photo : PAM/Hussam Al Saleh

Les défis de la reconstruction de leur vie

La vie à Mleha a lentement commencé à revenir à la normale et les familles étaient optimistes quant à la possibilité de reconstruire ce qui avait été détruit et de repartir de zéro. Mais le prix des denrées alimentaires de base est maintenant plus élevé que jamais, il a augmenté de 251 % cette année. Les familles sont maintenant soumises à des contraintes économiques sans précédent au milieu d'une pandémie mondiale.

Abu Tarek ne peut pas réparer sa maison car cela coûterait des millions de livres syriennes alors qu'il ne peut plus se permettre d'acheter de la nourriture et des médicaments pour sa famille. Le prix des matériaux de construction a considérablement augmenté au fil des ans, ce qui rend le processus de reconstruction long et difficile. Incapable de trouver un emploi, il est maintenant un travailleur occasionnel qui passe parfois dix jours sans revenu.

"Nous avons maintenant une autre menace, le Coronavirus : comme si nous n'avions pas suffisamment de problèmes, ce tueur silencieux et invisible est maintenant mon plus grand défi. Je dois en protéger ma famille. Je ne peux prendre aucun risque — je dois rester à l'écart des gens et en même temps répondre à mes besoins", dit-il.

L'aide alimentaire vitale que le PAM peut fournir aux familles comme celle d'Abu Tarek à travers la Syrie est désormais indispensable. Grâce aux donateurs, certaines des familles les plus vulnérables du pays peuvent recevoir une aide devenue essentielle.