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Le riz d’Eunide: de la plantation à l’école

Eunide Montclair a une nouvelle perspective depuis qu'elle livre son riz au programme de cantine scolaire en Haïti.
, Souzen Joseph

Elle est l'une des 27 femmes de la plaine d'Abraham, dans le département des Nippes dans le Sud, qui vendent leurs produits au Programme Alimentaire Mondial (PAM), à destination des écoles. Le PAM achète des produits locaux pour son Programme de cantines scolaires. Au total, 31 producteur.trice.s et intermédiaires de la commune de Miragoane, membres de l'association, font partie du projet.

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Eunide Montclair, productrice de riz dans la plaine d'Abraham, commune de Miragoane, département des Nippes, dans le sud d'Haïti

Il est 10 heures, et les femmes travaillent dans le hangar de leur association, où se trouve le moulin à riz. Ce jour-là, elles vont décortiquer, tamiser et nettoyer le riz pour ensuite remplir une douzaine de sacs de 50 kilos chacun.

Dans une atmosphère détendue, Eunide discute avec ses deux camarades de son plan de vente pour cette année. Mère de trois enfants, elle vit principalement de sa production de riz.

Eunide est membre fondateur de ROPANIPPES, l'association qui regroupe les producteurs de la plaine des Nippes. Elle a ainsi été l'un des premiers membre à vendre son riz au PAM.

"Si tout continue ainsi, je pourrai offrir des études de médecine à ma fille. J'aurais aimé le faire pour mes deux ainés mais je n'ai pas pu''

Un nouvel élan pour la production locale du département

Rien qu'en 2017, le PAM en Haïti a acheté un total de 1 580 sacs de 50 kg de riz à l'association ROPANIPPES. Tous les mois, l'association livre 175 sacs aux 144 écoles du programme de cantines scolaires de la région. En 2018, livré 2 000 sacs avaient été livrés pour les repas de 27 000 élèves.

En achetant une partie, ou la totalité des produits alimentaires des cantines scolaires aux petits agriculteurs, le PAM renforce la production locale et la fierté des producteurs, dans la mesure où ils contribuent au développement de leur propre communauté.

Les agriculteurs investis dans le projet prennent leur travail très au sérieux et vérifient minutieusement la qualité du riz sortant de l'usine. Il s'agit en effet de la santé de leurs enfants. La fille d'Eunide est au secondaire. Elle n'est pas bénéficiaire du programme, mais la fille de sa camarade Ginette Joacin, également productrice de riz, reçoit son déjeuner à l'école tous les jours, préparée avec des produits locaux secs et frais, distribués par le PAM.

L'association ROPANIPPES a livré 2 000 sacs de riz pour nourrir 27 000 élèves dans 144 écoles du Programme de cantines scolaires de leur région.

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Eunide Montclair et Ginette Joaquin dans le moulin a riz de ROPA NIPPES

Fini l'excès de taches

Eunide a toujours travaillé dans le processus de production de riz. Elle sème, récolte, transforme le riz et le vend au marché communal.

Avant, pour préparer le riz étuvé, l'opération était compliquée. La technique consistant à faire tremper le riz dans une chaudière au-dessus d'un grand feu s'avérait épuisante. Eunide passait alors ses journées à transporter des morceaux de bois sec et des sauts d'eau qu'elle achetait à des prix élevés. En plus de se brûler régulièrement les avants-bras, Eunide avait les yeux irrités par la fumée à laquelle elle s'exposait lorsqu'elle supervisait la préparation. Par ailleurs, le résultat obtenu étaient très souvent décevant.

Depuis qu'elle vend son riz au PAM, la transformation se fait dans de meilleures conditions. L'association dispose désormais d'un moulin et d'autres matériaux appropriés pour faciliter le processus. En deux jours, elle laisse sécher le riz dans un espace dédié et gagne ainsi du temps pour s'occuper d'autres tâches. Les autres jours, elle les passe au moulin, à remplir les sacs de riz.

Un gain de temps et d'argent

Eunide se réjouit de ne plus dépendre du marché local pour vendre son riz. Auparavant, elle vendait entre 5 et 7 sacs les jours d'exploitation du marché. Mais le reste de la production restait dans les stocks, au risque d'être volé ou dégradé.

Avec la demande du PAM, Eunide écoule 80% de sa production grâce au Programme de cantines scolaires. Elle garde alors entre 3 et 5 sacs de riz.

Nouvelles perspectives d'avenir

En achetant localement, le PAM aide les producteurs à disposer de plus de revenus pour prendre soin de leur famille. Aujourd'hui, à cinquante ans, Eunide voit l'opportunité de réaliser ses nouveaux projets.

"Je sais que si tout continue comme cela, je pourrai offrir des études de médecine à ma fille. C'est ce que je voulais pour mes enfants plus âgés, mais je ne pouvais pas'', dit Eunide avec un sourire confiant, laissant son regard voyager au delà du moulin. " Mais nous n'en sommes pas encore à ce point. Nous continuons à préparer la commande de riz pour notre prochaine livraison au PAM''.

Le Programme de cantines scolaires, basé sur l'achat de produits locaux, est lancé en 2015 grâce au soutien des Ambassades de France et du Canada en Haïti. En Février 2019, l'Ambassade du Japon en Haïti vient soutenir le programme avec une contribution de 2 millions de dollars américains (227 Yen).