Skip to main content

Enfance interrompue : Répondons-nous aux besoins des mères adolescentes ?

« Les mères adolescentes forment un groupe à part, avec des besoins nutritionnels et socioculturels uniques. Pour s'assurer qu'elles bénéficient convenablement elles aussi du développement communautaire, nous devons réorienter nos actions », déclare Fatiha Terki, Directrice adjointe de la Division Nutrition du PAM.
, WFP (PAM)

par Simone Gie, traduit de l'anglais

1*tkcr7SE8iAsCnYty81YhcQ.jpeg
Une mère adolescente s'est inscrite à un programme de nutrition communautaire du PAM au Bangladesh. Malgré une baisse de l'indice de fécondité dans le pays, la maternité chez les adolescentes est encore très répandue au Bangladesh. Photo : WFP/Nathan Sarker

A la prochaine fête des mères, 17 millions de filles de moins de 19 ans auront accouché. Pour de nombreux gouvernements et organisations de développement, la situation de ces jeunes mères vivant pour la plupart dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, impose deux défis majeurs : leurs besoins nutritionnels ne sont souvent pas entièrement compris ni hiérarchisés, et elles sont particulièrement difficiles à atteindre.

« Je présume que, dans la plupart des cas, les adolescentes enceintes et allaitantes ne parviennent pas à combler leurs besoin nutritionnels », déclare le Dr Fatiha Terki, Directrice adjointe de la Division Nutrition du Programme alimentaire mondial (PAM), qui dirige les activités de nutrition des adolescents.

L'adolescence, la grossesse et l'allaitement sont toutes des étapes de la vie où les femmes et les filles ont des besoins nutritionnels accrus. Lorsque ces périodes se chevauchent, les besoins en nutriments augmentent. Cela signifie que le besoin d'aliments nutritifs est plus grand pour une adolescente enceinte que pour sa tante adulte enceinte, ou encore que ses amies non enceintes.

1*mllIbDYf4qGelgL2iHagNA.jpeg
Hawa Mahamat, 16 ans, tient son bébé de 7 mois dans ses bras après un bilan de santé dans le cadre du Programme de nutrition du PAM au dispensaire de Ngarangou, au Tchad. Photo : WFP/Giulio d'Adamo

Bien que la question des adolescents figure de plus en plus à l'ordre du jour mondial, les adolescentes restent particulièrement vulnérables à toutes les formes de malnutrition. La nourriture qu'elles mangent doit fournir des nutriments pour permettre à la fois la croissance rapide de l'enfant et le développement inachevé de la mère. Elles courent un risque élevé d'anémie, ce qui augmente le risque d'insuffisance pondérale à la naissance et de mortalité maternelle pendant la grossesse. Et le lien entre grossesses précoces et retard de croissance de l'enfant a également été largement observé.

Sans tenir compte de ses besoins élevés en nutriments, les jeunes filles adolescentes ont tendance à manger moins, et après les autres. Le Directeur exécutif du PAM, David Beasley, nous invite à visualiser un dîner de famille typique . « Imaginez une famille assise autour d'un repas : un père, une mère qui allaite un petit bébé, un garçon d'âge scolaire et une adolescente. Qui, d'après vous, a le plus dans son assiette ? Le père peut être, puisqu'il est le plus grand et que son travail nécessite une force physique. Puis le garçon… Et après ça, les deux plus minces : la mère et la fille, n'est-ce pas ? »

Mais selon l'analyse Fill the Nutrient Gap du PAM, le contraire serait plus logique, du moins en termes de qualité nutritionnelle, soit la quantité et la variété des nutriments par bouchée d'aliment. Une adolescente enceinte ou qui allaite a un besoin en aliments nutritifs plus grand que le reste du ménage.

Sachant que les aliments nutritifs (fruits, légumes frais et aliments d'origine animale) ont tendance à être plus chers que les aliments de base à faible valeur nutritive comme le riz, la question des dépenses vient se poser. Finalement, la mère adolescente est la bouche la plus chère à nourrir.

La dynamique culturelle et familiale joue également un rôle. Les résultats de l'étude Bridging the Gap, menée au Kenya, en Ouganda, au Guatemala et au Cambodge par le PAM et l'organisation de recherche Anthrologica, ont révélé que de nombreuses mères adolescentes non mariées estimaient être considérées comme un fardeau pour leur famille et ne recevaient souvent qu'une portion de nourriture à partager entre elles et leurs enfants.

1*L6MIC6Wj2W0cNt9aWG-jAw.jpeg
Aleya, une réfugiée rohingya et mère de quatre enfants, bénéficie du soutien d'un programme du PAM ciblant les personnes extrêmement vulnérables à Cox's Bazar, au Bangladesh. Photo : WFP/Saikat Mojumder

Lorsqu'ils sont concernés par les questions de nutrition et de santé, les adolescents sont particulièrement difficiles à atteindre, comme l'a décrit Lauren Landis, Directrice de la Division Nutrition du PAM : « Nous savons, plus ou moins, que nous pouvons trouver des enfants dans les écoles ou de nouvelles mères dans les dispensaires. Mais tous les jours, les adolescents qui ont quitté l'école sont dispersés dans les maisons, les lieux de travail informels, les jardins, les fermes, etc. Les atteindre est une tout autre question. »

Les définitions culturelles et démographiques de l'ONU ou du gouvernement peuvent également poser problème, car souvent, elles ne sont pas cohérentes. Dans certains cas, une fois qu'une fille a un bébé, elle est considérée comme une femme, même si elle est encore adolescente. Landis cite notamment le cas de mères adolescentes qui ne participent pas à des programmes conçus pour les jeunes ou les enfants : elles-mêmes ne se considèrent plus comme des enfants.

Combler le fossé

Les résultats de l'étude Bridging the Gap ont révélé que les besoins des adolescents varient énormément d'un cas à l'autre, mais qu'il existe certains points communs. « Dans les quatre pays, nous avons vu que les adolescents voulaient bénéficier de nos services », a déclaré Lynnda Kiess, une nutritionniste du PAM ayant participé à l'étude.

« Les mères adolescentes ont besoin de divers services publics, de la nutrition à la santé, en passant par le planning familial, la prévention de la violence et l'éducation. Mais beaucoup d'entre elles n'ont que peu de temps. Elles ne veulent pas être redirigées vers six services différents. La question se pose alors, un bilan de grossesse peut-il, par exemple, être combiné avec des cours d'éducation nutritionnelle ? »

Autre constat commun : les adolescentes souhaitent participer à l'élaboration des programmes qui les ciblent. « Plutôt que d'aller de l'avant et de changer le système de santé, les gouvernements, l'ONU et les ONG devraient demander aux filles comment elles veulent qu'on les atteigne », affirme Lynnda Kiess.

Le PAM prend des mesures afin de mieux cibler les adolescentes grâce à des programmes plus adaptés, explique le Dr Terki. « Nous nous engageons à aider les adolescentes à se développer et à atteindre leur plein potentiel. Récemment, nous avons intensifié nos efforts pour combler les lacunes dans les données internes et pour élaborer une stratégie impliquant les adolescentes dans plusieurs secteurs. »

1*fsOM4wGZXr1HiVBSpqRofg.jpeg
Une mère adolescente attend dans une cuisine communautaire soutenue par le PAM à La Parada (Colombie), l'un des principaux points d'entrée pour les personnes qui passent du Venezuela en Colombie. Photos : WFP/Deivid Torrado

Pourtant, Lynnda Kiess souligne que les possibilités d'améliorer la nutrition de cette population vulnérable vont au-delà des acteurs traditionnels du développement. Le secteur privé peut jouer un rôle important, par exemple en enrichissant le riz de vitamines et de minéraux, ou en utilisant les réseaux sociaux et les nouvelles technologies pour encourager les changements de comportements. « Nous devrions réfléchir à la façon de servir les mères adolescentes, et nous assurer que la nutrition n'est pas perçue comme étant détachée de leurs autres besoins."

La nutritionniste s'empresse également de souligner que l'un des moyens les plus efficaces de prévenir la malnutrition associée à la maternité chez les adolescentes est de retarder les grossesses en premier lieu. « L'une des choses les plus efficaces que nous puissions faire pour prévenir les grossesses précoces est de garder les filles à l'école. »

L'appui du PAM aux programmes d'alimentation scolaire est un moyen d'y parvenir, car il encourage les parents à envoyer leurs enfants à l'école. Souvent, des mesures incitatives supplémentaires sont mises en place, telles que des rations à emporter à la maison, afin que les parents soient plus enclins à inscrire leurs filles à l'école.

Le Dr Terki nous rappelle le pouvoir exponentiel de l'investissement dans les adolescentes. « L'amélioration de la nutrition d'une adolescente a un triple avantage : elle améliorera sa vie aujourd'hui, alors qu'elle grandit encore ; demain, si elle tombe enceinte ; mais elle bénéficiera aussi à son enfant par la suite, puisqu'il aura reçu la bonne nutrition à un moment décisif de sa vie. Quelle autre explication donner au fait qu'un dollar investi dans la nutrition offre un rendement de 16 dollars ? Si c'était la bourse, les investisseurs afflueraient. »

Pour en savoir plus sur les activités du PAM dans le domaine de la nutrition.