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Cyclone Idai : le traumatisme se lit dans les regards

Un des membres de l'équipe de communication du Programme alimentaire mondial (PAM) décrit les conséquences du cyclone Idai au Mozambique
, WFP (PAM)

Par Simona Beltrami, traduit de l'anglais

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1,8 million de personnes touchées par le cyclone Idai au Mozambique ont besoin d'une aide humanitaire. Photo : PAM/Marco Frattini

La connexion n'est pas bonne, et les appels téléphoniques passent mal, mais sachant que la plupart des infrastructures de communication et des lignes électriques ont été balayées par le cyclone il y a deux semaines, c'est toujours mieux que rien.

« Un peu plus de 24 heures après la catastrophe d'Idai, nous avons pris le premier vol pour arriver à Beira dès la réouverture de l'aéroport », explique Gerald Bourke, alias « Gerry », Responsable régional de la communication du PAM pour l'Afrique australe.

Bien que les tempêtes tropicales soient fréquentes au Mozambique, Beira n'avait jamais été directement touchée auparavant. La ville n'a pas été construite pour le supporter, et ça se voit. « L'ampleur du cyclone, qui a frappé la ville pendant plus de 24 heures, n'a laissé aucun bâtiment intact : toits arrachés, murs effondrés, rues encombrées d'arbres déracinés et de lignes électriques rompues. Les 17 hôpitaux et cliniques de la ville ont été détruits ou fortement endommagés. »

Les locaux du PAM ont également été durement touchés. « Le toit de notre entrepôt s'était complètement détaché, comme une boite de conserve que l'on aurait ouverte. Heureusement, lorsque le cyclone avait été annoncé, le personnel local avait alors passé plusieurs heures à emballer tous les stocks de nourriture dans des bâches en plastiques. Grâce à leur réactivité et à leur travail acharné, la nourriture a été sauvée. »

Bien que des stocks supplémentaires aient été transportés par avion et par camion, la nourriture déjà prête à être distribuée a été un véritable atout. Elle a permis de venir en aide aux milliers de personnes qui avaient commencé à se rassembler dans les églises et écoles restées debout après la tempête.

« Dans les yeux des survivants, on pouvait déceler le profond traumatisme qu'ils venaient de vivre, et la détresse de savoir qu'ils avaient tout perdu », se rappelle Gerry. « Il y avait cette femme avec deux jeunes enfants et un bébé. Elle était seule, sa maison avait été détruite. Dans son regard, on pouvait lire : « Et maintenant, qu'est-ce que l'avenir nous réserve ? »

Fort de ses 18 ans d'expérience au PAM, Gerry est un habitué des situations d'urgence. Il était notamment à Banda Aceh, en Indonésie, juste après que le tsunami de 2004 eut emporté la ville. « L'ampleur des dégâts n'est pas toujours la même, mais, pour les survivants, la douleur que les pertes engendrent et la détresse face à tout ce qu'ils ont à reconstruire sont toujours aussi importantes » dit-il.

Si les choses allaient mal à Beira, la situation était bien pire à l'intérieur des terres où le cyclone a apporté des jours de pluies torrentielles dans son sillage.. Selon Gerry, « dans les premières heures et les premiers jours, le PAM a vécu une réelle course contre la montre afin d'identifier les survivants et les mettre à l'abri du danger. Les gens étaient entassés sur les toits ou sur des parcelles de terre surélevées. Il y avait des familles avec de jeunes enfants perchés sur des branches d'arbre. La nuit, les sauveteurs pouvaient entendre les cris de détresse des personnes prises au piège par la montée des eaux. Parfois, dans les endroits « sécurisés », la population était encore inondée à hauteur de genou, mais on considérait cela comme une réelle amélioration pour les victimes qui étaient, jusque-là, entièrement plongées dans l'eau. Quand ces dernières ne pouvaient pas être immédiatement transportées par avion, nous parachutions des boîtes de biscuits à haute valeur énergétique depuis nos hélicoptères, pour qu'ils aient assez d'énergie pour survivre en attendant d'être secourus.

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Après le cyclone, des pluies torrentielles ont sévi pendant des jours. Photo : PAM/Déborah Nguyen

Les pluies provoquées par le cyclone se sont poursuivies pendant des jours, compromettant les opérations de sauvetage, et rendant ainsi difficile l'évaluation exacte de l'ampleur des dégâts et des besoins.

« Quelques jours plus tard, lorsque le ciel s'est un peu dégagé, nous avons reçu des images satellite de l'Agence spatiale européenne, qui travaille en partenariat avec le PAM. C'est à ce moment que nous avons vraiment pris conscience de l'ampleur de la catastrophe au Mozambique », explique Gerry.

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Les images satellitaires ont identifié des plaines inondables aussi grandes que 125 km sur 25 km. Photo : PAM/Déborah Nguyen

« Les images satellites ont révélé de vastes étendues d'eau, recouvrant les villages et les fermes qui s'y tenaient autrefois. De vrais « océans intérieurs » selon l'un de nos collègues. Un demi-million d'hectares de cultures, principalement du maïs, ont été détruits quelques semaines seulement avant l'unique saison de récolte de l'année. Il faudra des années à ces personnes, principalement des agriculteurs de subsistance travaillant de petites parcelles de terre, pour se remettre sur pied. »

Cela fait maintenant une heure que je discute avec Gerry au téléphone, il a passé sa journée à répondre aux demandes des médias afin de créer du contenu à envoyer, mais il a encore beaucoup de choses à dire. « Vous devez être fatigué », je suggère.

Selon Gerry, les 10 jours qu'il vient de passer à Beira ont été « une expérience très intense ». « Cela m'a rappelé pourquoi j'ai rejoint le PAM. Je n'ai pas signé pour passer ma journée à envoyer des mails », plaisante-t-il.

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Les hélicoptères du PAM ont atteint des communautés isolées. Photo : PAM/Déborah Nguyen

« Trop souvent, on s'enlise dans les aspects bureaucratiques du travail. Ce type d'expérience remet tout en perspective. Vous retrouvez ce en quoi vous croyez, et votre motivation. Qu'il s'agisse des collègues locaux qui se sont présentés au travail après avoir eux-mêmes subi les dommages causés par le cyclone, ou de tous ceux qui sont venus en avion pour aider sur différents aspects du travail, le PAM a une équipe extraordinaire sur le terrain, et je me suis senti privilégié d'en faire partie ».

Jusqu'à présent, 500 000 personnes ont reçu l'aide alimentaire du PAM au Mozambique.

Vous aussi, soutenez le PAM, et venez en aide aux victimes du cyclone Idai. Faites un don.